La cloche de POMPS, Observation et étude
Description de la cloche
La cloche de l’église de POMPS est classique, en bronze, de dimension 70 x 81 cm, ouvragé sur sa périphérie extérieure d’un décor soigné (calice rayonnant avec astre sur burette…), et deux lignes d’inscription.
Elle suspendue dans le clocher par un portique bois.
D’où vient la cloche de POMPS ?
Elle provient de la fonderie J B Dupont. Le décor est assez beau. Il est fort possible que se soit une cloche achetée "en magasin" c'est à dire qu’après qu'elle ait été fondue, car elle
porte une inscription courante et identique à beaucoup d'autre cloches mais sans date et sans nom des parrains et marraines qui sont en principe "gravés" après la commande ; c'est une spécialité
chez Dupont , qui n'est pas un fondeur de cloche de métier mais un négociant possédant une fonderie de cloches et ayant comme
ouvrier des fondeurs de cloches professionnels (*).
Parrain, Marraine ?
La tradition considère la cloche comme une personne et lui affecte un parrain et une marraine. Pour « notre » cloche, aucune inscription ne précise le nom du parrain et de la marraine de la cloche mais selon la tradition orale, cette cloche a été offerte par la famille Vignancour ; ce serait donc eux les parrains et marraines.
L’Electrification de la cloche de la cloche de POMPS
La proposition a consisté à mettre un marteau de tintement dont on se sert pour sonner les heures, mais aussi l'angélus /frappé/ (imitation de la volée) c'est ce que l'entreprise appelle "volée
tintée".
"La" cloche ne sonnera pas à la volée, ce qui est toujours dommage et réducteur, mais par choix et, financièrement , la commune ne souhaite pas pour l'instant adapter un moteur de volée d’autant qu’ une restauration du joug est nécessaire.
Les travaux ont consisté à une sécurisation optimale de l'installation. La cloche reste immobilisée et le bras de sonnerie actuel est conservé in situ.
A ce jour, seul l’angélus classique des 12 et 19 heures est sonné. N’attendez à entendre le nombre de coups pour signifier les heures! L’angélus s’organise selon le tempo de frappe suivant : 3 3 3 (durée 1’) suivi de 30 coups.
Cette cloche a fait l’objet de réfection au cours du temps, pas toujours en adéquation avec les règles campaniles. La présence d’une ancienne poulie atteste qu’elle a pu être balancée après avoir été maintenue fixe et sonnée par une corde qui actionnait le battant acier. Le portique bois qui maintient la cloche demanderait pour balancement de cette dernière, la restauration complète de sa structure pour sécurisation de la cloche.
(*) Je tiens à remercier Françoise Zannese, Direction de la Culture et du Patrimoine - Conseil Régional d'Aquitaine
Service régional du Patrimoine et de l'Inventaire - DRAC Aquitaine 54 rue Magendie 33000 Bordeaux, pour son écoute et ses conseils.
Ambroisine, la sonneuse de cloche à Pomps
Par Pierre FROUTE
Les sonneries de la cloche ont rythmé pendant de nombreuses années notre quotidien. Dès l‘aube, l’angélus avec ses neuf coups suivis d’un carillon appelait à la prière suivi de celui de midi puis du soir. Comment de ne pas évoquer ce tableau de Jean François Millet (1814-1875) peintre de la ruralité, reproduit sur le calendrier des Postes de notre enfance, qui représente un couple de paysans interrompant leur travail en entendant sonner l’angélus, pour prier la tête baissée en signe de recueillement. En dernier lieu, seuls furent maintenus les angélus de midi et du soir.
Le Dimanche et les jours de fêtes religieuses, une sonnerie annonçait la messe à trois reprises : une heure avant, une demi-heure avant, un quart d’heure avant et au moment de rentrer dans l’église.
Pour nos ancêtres et pour la plupart d’entre nous, la cloche a carillonné pour notre baptême et pour notre mariage. Le glas, sonnerie au tempo régulier et très lent est annonciateur de l’agonie, de la mort et des obsèques.
A ces sonneries religieuses, s’ajoute le tocsin aux à-coups répétés et prolongés pour signaler un évènement grave comme l’incendie et également la mobilisation générale le1er août 1914 et le 1er septembre 1939. Il sonnera la joie de la Victoire les 11 novembre 1918 et 8 mai 1945.
Jeanne Ambroisine Joandet Herré (1859 - 1950) était notre “sonneuse “de cloches. Pendant de nombreuses années, tous les jours et par tous les temps, cette femme menue et de petite taille quittait son domicile, maison en face de la ferme Herré, pour sonner l’angélus et pour toutes les cérémonies religieuses.
Elle était sacristine : chargée de l‘entretien des vêtements sacerdotaux, des objets et linges du culte, de la fabrication des hosties et du ménage de l’église.
Vers 1940, la fonction de sonneur fut assurée par René Menaud Armagnac, chantre et garde champêtre et par son épouse Justine.
Ambroisine, couturière de son métier, assurait également à l’école publique les cours de couture qui avaient lieu les mercredi et vendredi après midi. A sa mise à la retraite, ces cours furent confiés à Lucia Pédegert et Marie Marcou.
La Cloche fêlée
II est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts
Les fleurs du mal
Quand trop de progrès tue l’humain…
Le curé d’un village préfère une machine à disques moderne, à la cloche Dongue, objet d’art historique, mais dépassée… Voici venu le temps des cérémonies
nouvelles !
Or, où sont donc passées les émotions des mariages, les joies des baptêmes, les tristesses des enterrements ?
C’est ce que les villageois se demandent, et vont s’évertuer à faire revenir…
La cloche Dongue
dessin conte pour enfants
Il était une fois une jolie cloche en bronze, installée dans le clocher d’une église de village.
Elle était née dans l’atelier d’un artiste génial, qui l’avait façonnée avec amour.
Elle était robuste et élégante à la fois, et possédait un son unique, qui faisait vibrer les âmes.
Dans le village, elle était incontournable : pas un mariage, pas un baptême, pas un enterrement qui ne se fit sans elle. Elle participait à tous les évènements du lieu, et se sentait comme
un membre de leur famille.
Or, un jour, le curé de l’église, sans doute mal influencé, s’enquit de la remplacer. Non pas pour une autre cloche, au son plus pur, ou à l’esthétique plus noble.
Non, au nom du modernisme, il installa une machine à jouer des disques. Heureux, il écoutait des mélodies données par un concert de cloches : des graves, des joyeuses, des officielles…
Notre pauvre Dongue, sur le coup, ne comprit pas : elle ne voyait rien, et pourtant elle entendait chanter ses consoeurs. Mais où étaient-elles donc ? Si nombreuses, elles ne pouvaient
pas passer inaperçues !
Puis, elle aperçut l’appareil et les micros, et le curé qui injectait les disques : à chaque fois qu’il touchait l’instrument, un air nouveau se jouait. Alors, elle sut.
Son plus gros chagrin fut son premier mariage raté : les futurs époux arrivaient, tout émus… Et elle se tut. A la place, pour les accueillir, au lieu de ses tintements joyeux habituels, le
curé préféra une mélodie enregistrée.
Ah, bien sûr, la composition était plus travaillée, plus nuancée avec les différents sons mélangés.
Mais, en même temps, cela paraissait si lointain, si anonyme, si étranger…
Dongue assista à la cérémonie avec un pincement au cœur. C’était comme si on ne l’avait pas invitée à la fête… Oubliée… Quelle injustice !
De fait, les villageois, séduits par la nouveauté se réjouirent des nouvelles possibilités de leur église. Le curé avait innové, et c’était tant mieux !
Mais, au fil du temps, ils se rendirent compte qu’il manquait quelque chose à leurs cérémonies.
Les mariages étaient un peu moins émouvants, les baptêmes moins joyeux, et les enterrements moins poignants. De l’émotion était partie…
Mais bien sûr ! C’était cette musique trop parfaite, ces airs si froids, qui ne résonnaient plus dans leurs cœurs.
La cloche leur manquait, avec ses accents vibrants, sincères et authentiques. Ils la réclamèrent avec véhémence au curé.
Mais, celui-ci ne voulut rien entendre : non, il ne changerait plus sa machine. Celle-ci était le progrès, l’avenir. La cloche appartenait au passé. Son temps était fini !
D’ailleurs, les mélodies des disques étaient autrement plus travaillées ! En plus, il disposait pour ces cérémonies d’un large choix de compositions, alors qu’avec la cloche, c’était
évidemment plus limité… Il avait raison, il en était sûr. Les villageois étaient des retardés, des arriérés. C’était fini, il fallait qu’ils s’y fassent, la cloche ne jouerait plus
jamais.
D’ailleurs, tiens, il allait la faire démonter.
Alors, les villageois s’énervèrent. Ils revoulaient leur cloche, absolument, sinon, ils iraient fêter leurs évènements ailleurs, là où de l’émotion était donnée. Ici, c’était pauvre. Avec cette
musique enregistrée, rien ne passait des sentiments si forts qui s’exprimaient à ce moment-là.
La cloche, ils en avaient besoin, et ils y tenaient. D’ailleurs, il dirent au curé qu’elle faisait partie de leur patrimoine, qu’elle appartenait plus à eux qu’à lui, et que, s’il n’était pas
d’accord avec les idées du village, il devait partir, mais que la cloche, elle, resterait.
Le curé en fut outré, et s’apprêtait à riposter quand soudain, surgit de nulle part, un profond et imposant son de cloche.
Les tintements s’amplifièrent au fil du temps, interrompant les discussions en cours.
Comme un cœur qui battait, régulier et puissant, le son résonnait dans les oreilles des villageois et du curé, qui écoutaient, immobiles, pétrifiés.
Il n’y avait plus rien à dire. Dongue sonnait, librement, et vibrait au rythme de l’émotion la plus profonde. Celle-ci était devenue palpable, et même le curé en eut les larmes aux yeux.
Ce ne pouvait être que Dieu lui-même qui s’exprimait ainsi ! Il en fut bouleversé.
Alors, il reconsidéra son choix : le modernisme certes, c’était bien, mais là, ça l’avait éloigné du divin, de l’essentiel.
Il rassura les villageois.
Oui, la cloche allait rester. Oui, elle allait rejouer. Oui, elle participerait à leurs évènements de la vie…
Sans regrets, il se débarrassa de la machine et de ses disques.
Et Dongue, avec bonheur, redevint la porteuse d’émotions de vie de ses chers villageois.
Créé le 4 septembre 2004 par Valérie Bonenfant
Alain Corbin
LES CLOCHES DE LA TERRE.
Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXè siècle. l’odorat et de l’imaginaire social qui
l’entourait. En 1990, c’est la plage et les littoraux qu’il éclairait d’un autre jour avec Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage. Avec Les cloches de la
terre, c’est la cloche, cet objet à la fois parfaitement quotidien et devenu complètement insignifiant, qui est étudié. Et le projet n’est pas mince. Il s’agit, comme l’indique le sous-titre
de faire renaître à travers lui le paysage sonore et la culture sensible de nos campagnes au XIXè siècle. Alain Corbin se fait ainsi, l’air de rien, l’archéologue de nos oreilles.
« Se tenir à l’écoute des hommes du passé », « porter une particulière attention à l’inactuel, à l’insolite, à ce qui est décreté dérisoire » afin de faire renaître des mondes oubliés, tel est le beau projet d’Alain Corbin, professeur à l’université de Paris I Sorbonne. Depuis plusieurs années déjà, celui-ci nous rejouit avec des ouvrages qui ont à chaque fois pour ambition de vouloir révéler « l’histoire du sensible » de nos aïeuls à travers des objets à la fois familiers et incongrus. Avec le Miasme et la Jonquille, c’est le nez qui était mis en vedette, puisqu’il livrait une passionnante histoire de l’odorat et de l’imaginaire social qui l’entourait. En 1990, c’est la plage et les littoraux qu’il éclairait d’un autre jour avec . Avec , c’est la cloche, cet objet à la fois parfaitement quotidien et devenu complètement insignifiant, qui est étudié. Et le projet n’est pas mince. Il s’agit, comme l’indique le sous-titre de faire renaître à travers lui le paysage sonore et la culture sensible de nos campagnes au XIXè siècle. Alain Corbin se fait ainsi, l’air de rien, l’archéologue de nos oreilles.